75 ans de Départementalisation 1946-2021

19 mars 2021

Une date symbolique qui a marqué l’histoire de La Réunion et le combat mené par de jeunes élus pour la décolonisation de leur territoire à savoir la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane.

En ce jour du 19 mars 2021, le Conseil Départemental de La Réunion a commémoré les 75 ans de la Départementalisation en présence de ceux qui ont contribué à construire, chacun dans leur domaine, cette Réunion post 1946. L’hémicycle du Département, en présence du Président, de la Vice-Présidente en charge de l’éducation, du Président de la Commission Culture Education, et de la Présidente du Conseil Départemental des Jeunes (CDJ), a accueilli des témoins et des héritiers de cette histoire. Une rencontre intergénérationnelle pour la transmission mémorielle mais aussi pour témoigner des grandes avancées intervenues grâce à ce changement de statut.

 

Ces témoins ," enfants de la départementalisation" et ces jeunes , nés après la décentralisation, ont échangé sur le passé pour préparer l'avenir.

 

Visionner le reportage vidéo d'actualité :

Transcription textuelle de cette vidéo en cliquant ici

 

Raconter, témoigner et expliquer ont été les objectifs de cette matinée d’échanges.

La Réunion entame, au lendemain du 19 mars 1946, son plan de rattrapage pour un développement comparable aux territoires de l’hexagone. Au fil des ans, des avancées importantes seront faites dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures, de l'habitat, de l’égalité sociale, du développement économique, de la promotion de la culture et du sport, de l’ouverture sur l’Europe et l’océan Indien, ainsi que la prise en compte de l’importance de l’environnement et de l’écologie. Pour Dominique Vienne, Président du CESER (Conseil Economique Social Environnemental Régional), «Avec la Départementalisation, nous avons su surmonter les fractures sociales ».

Dans une vidéo introductive , Raymond Lauret, ancien enseignant, plante le décor. Il y raconte les différentes étapes qui ont mené à la départementalisation. La guerre 1939-1945, la victoire du Général de Gaulle … « En 1945, le gouvernement français décide de lancer des élections, pour élire des députés qui constitueront l’assemblée constituante de la France. Les deux députés élus, Raymond Vergès et Léon de Lepervanche, rejoindront à Paris leurs homologues Aimée Césaire, député de la Martinique et les autres députés de la Guadeloupe et de la Guyane. Ils obtiennent que notre île devienne un département français. Si le Général de Gaulle n’avait pas lancé son appel, peut-être qu’aujourd’hui nous serions toujours une colonie. »

 

Le cadre est posé, les personnalités s’expriment et échangent avec les jeunes.

Guy Dupont, pour le développement territorial ; Régis Moreau, Adam Ravate, Pascal Thiaw-Kine pour l’entreprenariat ; Jean-Pierre Avril pour l’agriculture ; Jean-Marie Dupuis pour le tourisme ; Raymond Nando pour l’éducation ; Axel Royé et Raymond Lauret pour le sport ; Roger Ramchetty pour la culture ; Sonia Ribes pour l’environnement ; Aristide Payet pour le social ; Wilfrid Bertile pour la mobilité, expliquent en quoi la Départementalisation a permis à notre île d'évoluer pas à pas et de rayonner aujourd’hui dans l’océan Indien voire même au-delà.

 

Un vivre ensemble unique

Pour Shyrel Gouraya Moussalaya, la Présidente du CD Jeunes « Je vous remercie de nous avoir consacré cette matinée. C’est un moment très enrichissant. En tant que jeunes, nous nous engageons à poursuivre ce développement pour améliorer encore plus les conditions de vie de chaque Réunionnais. »

Des jeunes impliqués et curieux qui ont posé des questions pour mieux comprendre quel était le contexte de l’époque, par exemple en matière de santé alors que la mortalité infantile était très importante, elle a pu être stoppée avec l’installation des PMI (Protection Maternelle et Infantile) et l’arrivée de la vaccination.

Pour l’historien et universitaire , Mario Serviable «A quoi sert une commémoration, je reprendrais les mots de Robert Badinter, « ça sert à trois choses, à revenir aux sources, à dresser le bilan et à ouvrir de nouvelles voies. »

Ce dernier a conclu la matinée avec une synthèse des témoignages et échanges, riches en mémoire sur cette Loi qui a probablement changé le destin de l’île de La Réunion.

Le constat est impressionnant. 75 ans après la loi du 19 mars 1946, le changement de statut a permis à La Réunion de bénéficier pleinement des transferts de revenus et des aides à l’investissement de la métropole et de l'Europe grâce à notre statut de région ultra-périphérique (depuis 1992). 220 000 habitants en 1946, La Réunion compte désormais 860 000 habitants qui bénéficient d’un système de santé performant, d’une économie dynamique et diversifiée portée par plus de 30 000 entreprises. Avec plus de 600 établissements scolaires, le système éducatif donne les moyens de la réussite à des milliers de jeunes Réunionnais. L’université de La Réunion forme chaque année environ 20 000 étudiants.

L’agriculture a aussi su s’adapter pour répondre aux besoins de la population.

Grâce à des ambassadeurs comme Danyel Waro ou encore Firmin Viry, la culture, avec notamment le maloya, s’exporte au-delà de nos frontières et est inscrit au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité depuis 2009.

Un rayonnement qui est désormais reconnu à l’international avec l’inscription des pitons, cirques et remparts au patrimoine mondial de l’Humanité, un atout considérable pour le développement du tourisme.

75 ans de Départementalisation où chaque Réunionnais, de par son histoire identitaire venue d'Afrique, d'Europe et de l'Asie, a su construire un vivre ensemble unique.

Pour le Département de La Réunion, de nombreux défis restent encore à relever. Si sur le plan humain, La Réunion est devenue un territoire de résilience, de bienveillance et d’excellence , il appartient à ses enfants, adultes de demain, de concilier le "bien vivre ensemble avec le bien travailler ensemble".

 

Les témoins

 

  • Guy Dupont, ancien DGS de Collectivités Territoriales :

« On a construit des immeubles en R+3, R+4 pour loger le plus grand nombre de familles possible et les sortir des bidonvilles. Il fallait y aller massivement et c’est ce qui s’est fait dans les années 60-70. »

 

  • Régis Moreau, Directeur de Royal Bourbon Industries :

« On a démarré avec ce qu’on appelle « la vente à la Chine », on chargeait la camionnette le matin. On faisait la tournée des boutiques chinois, on vendait et on encaissait l’argent. Avec la départementalisation, nous sommes passés d’une société où il y avait très peu d’offres à une société avec une offre gigantesque… »

 

  • Adam Ravate, Directeur Général du Groupe Ravate :

« Le père fondateur était marchand de charbon. C’est après la départementalisation qu’il a compris ce que c’était la construction. Il s’est dirigé vers l’habitat. A partir de là, il a fait des campagnes dans les forêts pour couper le bois, pour apporter le nécessaire pour qu’on puisse construire ; ça a été un progrès extraordinaire. Les familles sont passées de la case en paille à des constructions solides.»

 

  • Jean-Pierre Avril, exploitant agricole :

« Les agriculteurs étaient des gens qui étaient vraiment malheureux. Pas beaucoup de formation, pas beaucoup de revenus, habitant dans des maisons isolées, mal équipées. Moi j’ai connu l’électricité quand j’ai eu 18 ans. L’eau courante est arrivée un peu avant. On s’est inscrit dans le progrès. Il y a eut les formations, on nous a donné des terres, on a aidé au financement et on a mis en place les coopératives. »

 

  • Jean-Marie Dupuis, Président du Conseil de Surveillance de Bourbon Voyages :

« Je me suis dit que ce n’est que dans le tourisme qu’on développera quelque chose. Nous on a fait le Récif, on a fait les Créoles, les Brisants et les Villas du Lagon… Nous n’aurions pas pu arriver à un tel développement si nous avions un autre statut que le departement. »

 

  • Raymond Nando, professeur à la retraite :

« A cette époque, l’éducation était basée sur une certaine discipline. Tous les matins les élèves étaient en rang et attendaient que les professeurs viennent les chercher. Et durant mes années à l’Ecole Normale, on nous apprenait la pédagogie comment enseigner… Le professeur était quelqu’un qu’on respectait. »

 

  • Axel Royé, Conseiller Technique Régional de Football :

« Il y avait des relations entre les îles. Des relations qui ont été concrétisées par la ligue Réunionnaise de Football. Grâce à des associations, telles que l’ORESSE, le CROS, il y a eu une forme de passage de pouvoir entre l’Etat et les associations sportives réunionnaises. La Départementalisation a surtout rapproché La Réunion de la mère patrie. Avant la Départementalisation, aller en métropole n’était pas facile. Beaucoup d’athlètes réunionnais auraient pu faire carrière en métropole.»

 

  • Raymond Lauret, ancien Président du Comité Régional des Offices Municipaux des Sports (CROMS) :

« Pourquoi ne prendriez-vous pas en main un combat comme le Général de Gaulle a pris son combat à l’époque… pourquoi ne pas prendre le combat du développement et du déplacement en vélo ou encore en trottinette dans la ville… » ?

 

  • Roger Ramchetty, Président du Conseil de la Culture, de l’Education et de l’Environnement 

« On n'allait pas au spectacle. Dans les années 70, on a commencé à avoir des projections de films en plein air autour du village artisanal de Saint-Gilles comme on l’appelle aujourd’hui. La musique on l’entendait à l’occasion des mariages avec les orchestres en cuivre. Et puis, avec la départementalisation, on passe de la salle verte au magnifique Théâtre Saint-Gilles, ça marque l’imaginaire de l’enfant que je suis, c’est un bond extraordinaire. »

 

  • Sonia Ribes-Beaudemoulin, ancienne Conservatrice du Muséum d’Histoire Naturelle de La Réunion :

« Défricher pour les habitations, défricher pour les cultures pour nourrir les habitants, c’est ainsi que tout le pourtour de l’île sur le littoral a été modifié jusque dans les cirques. Aujourd’hui, il reste 30 % de cette végétation à peu près intacte. Et ces 30 % ont été inscrits au Patrimoine Mondial de l’humanité. Il appartient aux Réunionnais de transmette aux générations futures cette végétation, ce bien qui est unique car il contient des espèces qui n’existent nulle par ailleurs qu’à La Réunion. »

 

  • Aristide Payet, Président de l’Union Départementales des Associations Familiales (UDAF) :

« De 1975 à 1985, l’évolution de la Départementalisation se traduit par des lois qui sont progressivement appliquées à La Réunion avec notamment la création de la CAF en 1972, la mise en place des études surveillées, les colonies de vacances… c’est le début de la prise en compte des situations familiales… »

 

  • Wilfrid Bertile, Professeur des Universités et ex secrétaire Général de la COI :

« La migration vers la métropole a été une conséquence de la départementalisation qui s’est traduite par une amélioration des conditions sanitaires de la population. Cette dernière a considérablement augmenté. Il y avait des problèmes de débouchés, de formations et il y avait aussi beaucoup de misère… c’est comme cela que beaucoup de jeunes ont été amenés à partir en métropole par le biais du Bumidom. »

 

  • Mario Serviable, historien et universitaire :

« A quoi sert une commémoration, je reprendrais les mots de Robert Badinter, ça sert à trois choses, à revenir aux sources, à dresser le bilan et à ouvrir de nouvelles voies. »

 

 

Visionner les portraits vidéos des témoins :

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Regarder le diaporama de l'IHOI (Iconothèque Historique de l’océan Indien), 'Entre Temps' qui a été projeté au Palais de la Source à l'occasion de la commémoration des 75 ans de la départementalisation ce 19 mars 2021 :

 

Parcourir l'exposition virtuelle 'Longue vue sur la départementalisation' sur le site internet de l'IHOI :

en cliquant ici (ouverture dans une autre page internet)

 

Version texte de la vidéo d'actualité :

Commentaire

Devant le palais de la source du Département de la Réunion des jeunes et des moins jeunes se sont retrouvés. 

Ces visages, connus des anciennes générations, sont aujourd’hui observés par les jeunes représentants des collèges réunionnais.

 

 

Shyrel GOURAYA MOUSSALA Présidente du Conseil Départemental des Jeunes

Oui, des personnes importantes du département, des historiens, des députés, certains, je crois, si je ne dis pas de bêtises. Monsieur le président qui va bientôt arriver

aussi. Donc voilà, plein d’intervenants qui pourront nous aider et répondre à nos questions au sujet de la départementalisation. 

 

 

Lucie HÉTROIT Conseil Départemental des Jeunes 

On va être actif, on va intervenir. On va en apprendre plus sur le passé pour pouvoir en faire plus sur l’avenir, c’est ça le but. 

Question : Pourquoi ? L’avenir, c’est qui ?

L’avenir, c’est nous. Mais en vrai, c’est aussi eux. Parce que si ils nous aident pas, on n’ira pas loin.

 

Ambiance musique entrée dans l’hémicycle 

 

Commentaire 

Depuis 75 ans ce lieu rassemble, ce lieu partage, ce lieu permet la transition entre générations. 

Pour cela, chacun dans son domaine d’activité a pu parler, avec son cœur. 

 

Guy DUPONT Témoignage de développement territorial

Tout à l’heure le président parlait du vivre ensemble. Effectivement, le consensus social fait partie du vivre ensemble. Et l’aménagement, c’est un élément du consensus social quand ça marche. Et c’est surtout, un élément de faire ensemble au-delà du vivre ensemble. 

 

Adam RAVATE Témoignage d’entreprise

On n’a pas besoin d’aller dans des grandes écoles pour faire des bacs plus 7 ou plus 10. 

C’est être pragmatique, savoir ce qu’on a envie. Avoir cette capacité d’avancer. 

 

 

Commentaire 

Le rattrapage depuis 1946 a été énorme. La santé a emmené le progrès. 

Des projets d’envergure ont suivi dans le domaine des transports, de l’éducation, de l’agriculture, de la culture ou encore du sport.

 

 

Jean Pierre AVRIL Témoignage agriculture 

J’aurais envie de vivre nulle part ailleurs car il y a ici une qualité de vie.

Et j’espère que l’offre alimentaire vient s’ajouter au fait que vivre à la Réunion est un privilège. 

 

Jean-Marie DUPUIS Témoignage du tourisme 

Quand on touche le fond de la piscine, on remonte toujours.

Et demain, on va remonter. Il n’y a aucun doute là-dessus. Vous jeunes, vous n’avez pas de doute à avoir. Aucun doute ! 

 

 

Commentaire 

Des septuagénaires et des collégiens pour faire ensemble :  société. Voilà le fils conducteur de cette matinée.

 

Ismaël LOCATE Directeur général adjoint du Département 

Nous avons décidé, en quelques sortes aujourd’hui, de donner le coup d’envoi des manifestations qui vont jalonner l’année 2021. Symboliquement, ce qu’on a voulu faire est de mettre dans un dialogue fécond, nourri, mettre ensemble réunir, nos ainés. Des gens qui ont construit la Réunion. Qu’on pourrait qualifier d’enfants de la départementalisation devenus aujourd’hui adultes et les jeunes de la décentralisation. 

Qui montre d’une part, la gratitude que nous devons avoir à l’égard de ces anciens, toujours en bonne forme physique et intellectuelle. Et également, la préparation de l’avenir avec nos jeunes du CDJ. 

Et ce qui a été souligné ce matin, c’est notre vivre ensemble.

Le vivre ensemble constitue le socle de cette population réunionnaise.

 

Commentaire 

Beaucoup d’informations sont passées ce jour-là, c’est maintenant à chacun de nous de s’approprier le passé afin de construire ensemble l’avenir.

 

 

Un reportage de Alexandre GILLES
Département de La Réunion / 974TV © mars 2021