Vers les neuf heures du matin, nous arrivons près de l’île. On nous fait descendre du coolieship pour nous mettre dans une chaloupe. Dans cette chaloupe, le capitaine demande aux personnes du même âge que moi si nous sommes malades. Plusieurs engagés n’ont pas répondu. A mes côtés, une jeune fille n’arrête pas de tousser, alors qu’elle confirme au capitaine qu’elle n’est pas malade. En arrivant, sur l’île, le capitaine nous conduit immédiatement dans un endroit appelé « Lazaret ». Un lieu très bruyant à cause du travail des engagés. Il est même très peuplé, car je peux compter au moins sept cents personnes. En chemin, on nous donne à chacun un fruit. Les odeurs qui émergent de cet endroit sont très différentes de celles de mon pays d’origine. Je retrouve la fille qui était à mes cotés sur le bateau. Elle me déboussole quand elle me regarde. Que je dois-je faire ? Ces yeux sont magnifiques, d’un noir aussi intense que le grain que j’ai vu, qui s’appelle longani (d’après ce que disent les autres habitants). Je prie pour qu’elle engage la conversation, et enfin ce moment arrive. Elle me dit qu’à Pondichéry, elle n’était pas malade. Pas de grippe ni de toux. Par la suite, j’apprends à la connaître. Elle s’appelle Indira, et elle a treize ans. Lorsqu’elle me parle, c’est comme une musique harmonieuse. Son sourire est comme la petite tranche de papaye que je viens de manger. Le lazaret est un lieu rempli de personnes de cultures différentes ; une femme vient chercher les filles et les guide vers un bâtiment opposé au nôtre. De leur côté, les hommes se dirigent vers le dortoir, guidé par un homme. Ce dortoir est une grande surface où les lits sont alignés les uns à côté des autres. J’entreprends d’explorer le dortoir. Après cette petite observation, j’entends mon nom. « Nanda Minatchy » C’est une femme en blouse blanche qui l’a prononcé. C’est l’infirmière, pour la visite médicale. Je sens mon cœur battre la chamade. Je ne veux pas de piqure, la vue du sang va me perturber. Oh ! Grands dieux ! J’imagine la scène où je vais m’évanouir et la belle fille aux yeux de grains de longani se moquera de moi. Le fait de rentrer dans cette salle me donne mal au ventre. Je me mets donc en tête de faire comme si je suis en Inde, lorsque l’on va chez ma grande tante pour qu’elle nous donne de la tisane quand nous sommes malades. Voilà ! Je vois le médecin : il me terrifie, j’imagine les horreurs qu’il peut me faire comme un boucher. Je pense au sourire d’Indira qui me donne la foi d’ouvrir mes yeux. Le médecin tient un petit carnet à la main et je pense que c’est le mien. Je m’assoie sur un brancard recouvert d’un drap blanc, je suis examiné, je suis pesé et je vois le massacre que ce voyage a produit sur moi : j’ai perdu huit kilos. Le docteur me dit que pendant le voyage je n’ai eu aucune maladie et que je dois reprendre des forces en prenant mon repas. Il me tend un papier que je dois donner à l’homme qui nous a guidé. On le nomme le sésame des engagés. Je vois Indira assise sur le banc, elle possède son sésame également et elle me fait un signe pour me dire de prendre mon repas en sa compagnie. Le lendemain, je me mets au travail, même si mes pensées sont guidées vers elle. J’essaie de me concentrer. Le travail ne manque pas au lazaret. S’occuper de l’entretien des bâtiments, de la cuisine, des commodités, et même du cimetière. L’autre jour, une partie de mur d’enceinte s’est effondrée, et il a fallu la reconstruire. Je ne sais pas si c’est le fait de penser à elle qui m’épuise ou si c’est le fait de travailler. |
LAZARET : n. m. Étymol. et Hist. 1. 1567 « léproserie » (H. Junius, Nomenclator omnium rerum propria nomina variis linguis explicata indicans, p. 209) − 1771, Trév.; 2. 1690 « établissement sanitaire où l'on met en quarantaine les voyageurs venant de lieux suspects de peste » (Fur.). Empr. à l'ital. lazzaretto « lieu de quarantaine pour malades atteints de maladies incurables et contagieuses », attesté dep. 1494-1512 (Journal du vénit. G. Priuli ds Batt.), altération, prob. par croisement avec le nom de S. Lazzaro, patron des lépreux (cf. ladre), de (S. Maria di) Nazaret (cf. forme nazareto attestée au xve s. d'apr. DEI), nom d'une île vénit. où l'on mettait en quarantaine les malades contagieux revenus de Terre Sainte. |